Une réalisation de Rachel Fleury du Studio Casa73
Il y a d’abord eu cette annonce de propriété en vente qui a vivement capté mon attention. Cette charmante maison fabriquée à l’aide de conteneurs, à l’empreinte écologique minimale, avait tout pour faire tourner les regards. J’ai donc immédiatement décroché le téléphone et j’ai composé le numéro que j’avais sous la main. C’est à ce moment que j’ai su qu’il y avait une femme d’exception qui se trouvait derrière la conception. À peine quelques jours plus tard, je suis allée lui livrer en main propre un exemplaire de mon magazine en lui proposant une parution dans la prochaine édition. La semaine suivante, nous avions rencontre à cette magnifique demeure de Morin-Heights dans laquelle j’ai eu la chance de m’entretenir avec elle.
Parlez-moi un peu de la Casa 65… Qu’est-ce qui la rend si unique?
La Casa 65 est une réalisation en autoconstruction de 5 conteneurs maritimes recyclés. Elle est unique en son genre puisque j’ai moi-même dessiné les plans. Naturellement, j’ai fait produire les plans légaux par un technologue en architecture, soit Patrick Nadeau de la compagnie Tech Design Inc. Patrick n’était pas à sa première maisonconteneur, il m’a judicieusement conseillé sur certains aspects de mon plan.
Derrière chaque architecture atypique se cache une histoire. Comment la Casa 65 est-elle née?
L’architecture particulière de cette maison est née de la manipulation de blocs de construction pour enfants et l’envie audacieuse de créer quelque chose de singulier. Un conteneur maritime est comme un bloc lego, les combinaisons sont infinies. J’ai toujours eu un attrait en design pour ce qui est hors du commun, ce qui dérange, ce qui étonne et qui nous offre l’opportunité de se questionner sur la conception et la création de l’œuvre.
Pourquoi avez-vous choisi ce terrain pour la construction?
Quels sont les attraits spécifiques du site? J’ai opté pour un terrain dans le domaine Blue Hills à Morin-Heights puisque la municipalité permettait la construction des maisons-conteneurs. Ce qui est important de savoir avant l’achat d’un terrain dans le but d’ériger un tel projet, c’est que certaines villes possèdent une réglementation qui interdisent ce type de construction. Pour ma part, j’ai reçu un accueil incroyable et une ouverture d’esprit remarquable de la part des urbanistes. De plus, Morin-Heights possède une situation géographique exceptionnelle puisqu’elle est située en plein cœur des Laurentides. Le terrain de presque deux acres étant entièrement boisé, j’ai tenté de respecter le milieu naturel le plus possible. La maison est donc entourée de la forêt, créant une belle intimité et un sentiment de plénitude.
Comment avez-vous choisi le positionnement des conteneurs?
C’est en s’imprégnant de l’ambiance du terrain lorsqu’on s’y trouve au tout début. Il est important de s’y projeter, d’imaginer la construction. De plus, le côté sud, offrant le plus de lumière naturelle, viendra imposer l’emplacement des principales fenêtres afin de créer une économie d’énergie. J’ai un faible particulier pour les porte-à-faux, cet élément architectural permetant une disposition contemporaine des conteneurs. La Casa 65 possède deux porte-à-faux, donc le deuxième étage semble flotter sur l’étage inférieur. Manipulant mes petits blocs de bois, je suis arrivé au résultat final qui m’a tout de suite séduite.
Qu’est-ce qui vous a incité à choisir les conteneurs recyclés?
Je rêvais d’une construction plus écologique. En Chine, les maisons-conteneurs sont apparues dans les années 1990, en France, dès les années 2000, mais au Québec, depuis seulement une dizaine d’années. Cent millions de conteneurs traversent les océans chaque année, transportant tout près de 90% des produits importés. Il y a donc des millions de conteneurs maritimes usagés dans les dépotoirs, créant un problème d’entreposage. Au lieu de faire une charpente en bois, le conteneur usagé, peu coûteux était une solution intéressante, solide et innovatrice. J’ai opté pour les conteneurs « High Cubes », les plus grands sur le marché, 9,6 pieds de hauteur par 40 pieds de profondeur au coût de 5000$ chacun, afin de créer un effet de grandeur et de hauteur.
Comment avez-vous découvert la technique nipponne ancestrale Shou-sugiban?
J’ai remarqué cette technique dans des livres d’architecture, mais elle est peu utilisée au Québec dû à son temps de réalisation et à son coût d’exécution. La scierie où je me suis procuré le cèdre pour le revêtement extérieur offrait cette technique, mais par souci d’économie, j’ai tenté de relever le défi. La technique cadrait bien avec la maison-conteneur, elle était attirante et innovante. J’ai loué un lance-flammes et j’ai brûlé, brossé et huilé avec une huile de lin naturelle chaque planche de cèdre. Le procédé, qui offre une meilleure protection contre les intempéries, les moisissures, les insectes et, ironiquement, les incendies, aura pris 3 mois de travail à temps partiel pour les deux étages de la Casa 65.
Dans le cas de la Casa 65, le projet s’est échelonné sur combien de temps?
La construction a duré 3 ans à temps partiel puisque je suis sommelière à temps plein. Le manque d’encadrement, le dépassement des coûts et l’inexpérience ont malheureusement eu un effet sur le temps. La pandémie aura eu ce côté positif pour moi, car elle m’a accordé un temps non planifié pour terminer la construction.
Vous avez probablement fait face à plusieurs défis en cours de construction. Si oui, quels ont été les principaux défis et comment avez-vous fait pour les surmonter?
En tant que première maison en autoconstruction, le défi était de taille. La planification du travail des différents corps de métiers professionnels était laborieuse. Quand un acteur majeur ne se présente pas sur le chantier et qu’il retarde le travail de tous les autres, cela apporte son lot de mécontentements. J’ai eu également beaucoup d’entrepreneurs qui n’ont pas respecté leur soumission de base, créant ainsi un dépassement de coûts. J’ai appris sur ce projet que pour réussir une autoconstruction, on doit respecter 3 critères importants : être présent tous les jours, posséder un minimum de connaissances ou de s’entourer de gens compétents et se faire respecter par les travailleurs. Maintenant, je suis déjà mieux outillée et confiante pour le prochain projet
J’admire votre persévérance. Qu’est-ce qui vous rend le plus fière de ce projet?
Merci beaucoup! Je suis extrêmement fière de mon accomplissement, car la Casa 65 est exactement comme je l’avais imaginée. Au cours des trois dernières années, j’ai douté maintes fois et j’ai mis un nombre incalculable d’heures de travail, mais ma persévérance et la conviction que je créais une maison splendide, écologique, intéressante et unique m’ont aidée à atteindre mon objectif.
La Casa 65 a été vendue dernièrement à d’heureux acheteurs. Avez-vous d’autres projets en tête?
J’ai effectivement vendu ma maison-conteneur dû à la pandémie. En revanche, le confinement m’a offert l’opportunité, comme plusieurs, de me réinventer. J’ai fondé ma propre compagnie de Design, soit Studio Casa73, qui fera la conception de maisons inédites et uniques que je désignerai au complet en respectant les besoins du client. J’ai 3 couples de personnes qui ont visité la maison lors de sa mise en vente et qui m’ont recontactée afin que je construise leur propre maison-conteneur.
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